L’ensemble des protestations ont en commun l’occupation de l’espace public, la remise en cause du système, et la revendication du rôle leader du peuple, qui doit être au cœur des décisions qui le concernent directement.

 

Article d’Irene Fuertes Cabrera, Isabel Pascual Díaz et Sophia Neitzert Torres publié dans El País. (Photo : Reuters)

L’ensemble des protestations ont en commun l’occupation de l’espace public, la remise en cause du système, et la revendication du rôle leader du peuple, qui doit être au cœur des décisions qui le concernent directement.

 Algérie, Liban, Irak, France, Hong Kong, Khartoum, Equateur, Barcelone, Chili, Bolivie… Les mouvements protestataires auxquels on assiste de par le monde sont portés par la même lutte: la revendication des droits.

Toutes ces mobilisations ont en commun l’occupation de l’espace public, la remise en cause du système, la proclamation que le peuple doit être le meneur et le protagoniste-clé des décisions le concernant directement. Les relations de pouvoir telles que nous les avons conçues jusqu’à présent sont en pleine mutation. La confluence des peuples écrit une nouvelle page d’histoire, face à la chute brutale de la légitimité des institutions politiques.

Les mobilisations contre l’urgence climatique sont un exemple clair de la conjonction de ces facteurs. Les citoyens refusent de rester les bras croisés face à une planète en voie d’apprauvrissement. Sous la conduite éclairée des jeunes et devant l’inaction de nos gouverneurs, un nouveau mouvement s’est constitué qui exige, à travers des manifestations pacifiques et pleines d’espoir, l’action climatique.

Dans ce contexte et avec la célébration de la COP25, les mouvements sociaux, les organisations de la société civile et les gouvernements locaux lancent un appel urgent aux délégués de ce sommet pour placer les habitants et les habitantes et la planète au centre des agendas mondiaux. Les citoyens affirment haut et fort que le système actuel ne convient pas pour financer et mettre en œuvre des politiques cohérentes à la hauteur du défi du changement climatique mondial, ainsi que la nécessité de respecter les droits humains liés à l’habitat et d’adopter le droit à la ville.

 

Que se passe-t-il pour le moment? Des actions locales pour des changements globaux

Une action immédiate est nécessaire, mais les réponses apportées à cette situation doivent impliquer la participation et le leadership de la société civile.

Un autre monde est possible, qui est déjà en marche. À Lima, des organisations de la société civile telles que DPU, CIDAP et CENCA ont mené à bien le projet cLIMASinRiesgo pour garantir la participation politique des citoyens aux stratégies et politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. L’édification de sociétés résilientes au climat commence par la bonne compréhension et la résolution effective des problèmes auxquels sont confrontées les communautés vulnérables, toujours sous la direction des communautés elles-mêmes. À cette fin, cLIMASinRisk met différentes formes de technologies aux mains des communautés marginalisées pour construire des cartographies collectives des risques environnementaux cumulatifs et des capacités locales d’action dans les établissements informels de la capitale péruvienne.

Le changement climatique est le résultat d’un modèle de production et de consommation qui a accru les inégalités sociales et spatiales, mis en danger nos écosystèmes et exclu socialement et économiquement de nombreuses personnes. Il est vital de reconnaître et de soutenir les concepts et pratiques alternatives de production, de consommation, de travail, de construction et de vie qui sont déjà en cours dans le monde, comme les économies solidaires.

Afin de reconnaître et de soutenir des économies inclusives et solidaires, le réseau mondial WIEGO a lancé le Projet de Réduction des Déchets dans les Villes Côtières par un Recyclage Inclusif. Ce projet réunit Accra, Buenos Aires et Dakar pour améliorer la capacité des organisations de ramasseurs de déchets à traiter et prévenir la pollution des océans par une meilleure organisation, l’échange d’expériences et l’intégration dans les systèmes de recyclage.

La violence et la discrimination fondées sur le genre ont-elles un effet direct sur l’accès des femmes à l’alimentation ? Partout dans le monde, les femmes s’organisent pour créer de nouvelles formes de production et de distribution alimentaire. Afin de donner de la visibilité à ces expériences et d’en tirer des enseignements, le Réseau Mondial pour le Droit à l’Alimentation et à la Nutrition lance la publication The Power of Women in Food Struggles (« Le pouvoir des femmes dans les luttes pour la souveraineté alimentaire »). Cette initiative répond également à la nécessité de lutter contre le changement climatique sur la base de l’équité, en offrant une protection spéciale aux personnes en situation de vulnérabilité.

La fonction sociale de la terre, de la ville et de la propriété est essentielle pour assurer un développement équilibré et durable des zones urbaines et rurales qui puisse bénéficier à la société dans son ensemble. Les communautés, de manière organisée et en tant que protagonistes principaux, doivent être en mesure d’améliorer leurs propres logements, services, espaces publics et espaces communautaires, par la mise en œuvre de systèmes de construction qui utilisent des matériaux naturels locaux et des techniques de construction traditionnelles et durables. Par ce processus, elles pourront restaurer leurs identités culturelles, tout en réduisant drastiquement les émissions de CO2 et l’impact environnemental global. Ce message a été porté haut et fort par les organisations membres de la Coalition Internationale de l’Habitat en Amérique Latine (HIC-AL), qui s’est emparée du sujet en lançant une Initiative pour la Construction avec des Matériaux Locaux, visant à mettre en lumière les avantages de l’utilisation de matériaux naturels locaux et la nécessité de soutenir les initiatives qui les utilisent plutôt que de les entraver ou même de les criminaliser.

Enfin, comme cela a déjà été souligné, il est essentiel d’assurer la participation et la gestion démocratique des biens communs et des stratégies de résilience au changement climatique. Le groupe communautaire Dajopen Waste Management en est une bonne illustration. Ce groupe a été créé par des résidents de la ville de Kitale, au Kenya, pour leur permettre de trouver des moyens de subsistance, nettoyer les logements locaux et l’environnement et améliorer la production alimentaire et énergétique en utilisant des déchets biodégradables et en créant et recyclant des matières premières et du compost à partir de ceux-ci.

Ces quelques exemples montrent que face à l’inaction des autorités confrontées au changement climatique, c’est du côté de la société civile que des alternatives se développent et des réponses sont apportées pour protéger la planète dans le cadre du Droit à la Ville et, en même temps, construire des sociétés plus justes et démocratiques. Suivons leur exemple, saisissons cette opportunité pour reconstruire nos modes de vie, d’organisation, de production et de consommation. Et revendiquons, jour après jour et au-delà de la COP25, ce qui nous appartient, c’est-à-dire une planète saine, et des politiques qui placent le soin de la planète et de ses habitants au centre des préoccupations.


Irene Fuertes Cabrera, Isabel Pascual Díaz y Sophia Neitzert Torres forman parte de la Plataforma Global por el Derecho a la Ciudad, un movimiento compuesto por organizaciones de la sociedad civil, redes y organizaciones de gobiernos locales, comprometidas con el cambio social que promueven, defienden y cumplen el derecho a la ciudad, y parte de la Coalición Internacional del Hábitat (HIC) una red global que trabaja en la defensa, promoción y realización de los derechos humanos relacionados con el hábitat tanto en zonas rurales como urbanas.